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Faire de la prévention une composante évidente du domaine des soins

Édition n° 115
Jan.. 2017
Prévention dans le domaine des soins

Prévention dans le domaine des soins. Dans sa stratégie Santé2020, le Conseil fédéral a défini, parmi ses priorités en matière de politique de la santé, l’élaboration et l’application d’une stratégie maladies non transmissibles MNT. Formulés en même temps que la stratégie Addictions et que le programme concernant la santé psychique, les objectifs stratégiques et les mesures associées ont été adoptés fin 2016 par le Conseil fédéral et par le Dialogue Politique nationale de la santé. Il est donc maintenant possible d’intensifier la prévention et la lutte contre les maladies non transmissibles. L’une des principales préoccupations de la stratégie MNT est de mieux ancrer la prévention dans le domaine des soins afin de lutter contre les maladies chroniques et de freiner l’augmentation des coûts. Mais comment procéder ? Qu’a-t-on fait jusqu’ici ? Et peut-on déjà évaluer les effets positifs ?

Nous souhaitons tous vivre le plus longtemps possible en bonne santé et sans douleur. Y parvenir dépend surtout de nous et de notre mode de vie. Dans notre pays, environ 70 % des gens font déjà attention à la façon dont ils se nourrissent et 72,5 % pratiquent suffisamment d’activités physiques. Ils préservent ainsi autant leur santé que ceux qui s’abstiennent de fumer et de boire de façon excessive. De cette manière, nombre de maladies non transmissibles, généralement chroniques, peuvent être évitées ou du moins retardées, ce qui améliore nettement la qualité de vie. Les cinq maladies les plus fréquentes – cancer, diabète, maladies cardio-vasculaires, maladies respiratoires chroniques et maladies musculo-squelettiques – sont les principales responsables des décès prématurés et des affections chroniques.

Amorcer le changement de paradigme dans le domaine des soins pour lutter contre l’augmentation des MNT

Ces cinq MNT, qui constituent la plus forte charge de morbidité pour la société sont, avec les maladies psychiques, à l’origine de 51 % des dépenses de santé en Suisse. Nous ne sommes pas les seuls à être confrontés à ce problème. Dans beaucoup d’autres pays aussi la moyenne d’âge s’élève et le nombre de personnes des deuxième et troisième âges augmente. L’urbanisation s’accentue, la manière de se nourrir et les comportements évoluent. Afin de lutter contre ces tendances, un changement de paradigme est nécessaire dans le domaine des soins. La prévention doit être intégrée de manière durable dans le traitement et la réadaptation pour toute la chaîne des soins médicaux. Les malades chroniques apprendront ainsi à mieux composer avec leur maladie et à l’atténuer. Les groupes à risque auront à leur disposition davantage d’offres leur permettant de rester en bonne santé. De plus, les patients seront plus souvent associés à leur traitement et conviendront des objectifs avec leur médecin, démarche généralement plus bénéfique qu’une prescription de mesures médicales. La participation des patients aux décisions les concernant contribue également à renforcer leur responsabilité face à leur santé. Le recours à des équipes interprofessionnelles, composées de médecins et d’autres professionnels de santé, donne une vision globale des patients et rend la relation médecin-malade plus fructueuse. Un autre objectif important est d’atteindre les groupes vulnérables de la population, car ce sont eux qui sont les plus sujets aux maladies chroniques et qui, pour différentes raisons, ont le plus de difficultés à accéder aux soins.

Définir la prévention dans le domaine des soins

Intégrer davantage la prévention dans le domaine des soins revient à considérer comme composantes d’un seul et unique système les deux domaines que sont les soins d’une part et la promotion de la santé et la prévention d’autre part (c’està- dire les informations visant à renforcer les compétences en matière de santé et la responsabilité de l’ensemble de la population, dans la vie privée comme dans la vie professionnelle). Autrement dit : le système actuel de soins aigus et de guérison sera à l’avenir une composante d’un système ayant pour valeurs essentielles la santé et la qualité de vie (passage du cure au care). Les techniques préventives et de promotion de la santé deviendront des composantes incontournables des soins médicaux de base.

Mesures à tous les niveaux

Pour un tel changement, il faut appliquer une série de mesures. Celles-ci touchent avant tout la formation initiale, la formation continue et le perfectionnement dans le domaine des professions médicales, mais également les activités, la répartition des tâches et des rôles, ainsi que la collaboration entre les professionnels de la santé et leurs institutions. Cette dernière peut se faire notamment par la mise en place d’équipes interprofessionnelles et le développement de moyens facilitant la communication, comme le dossier électronique du patient et la cybersanté. Des mesures encourageant la participation des patients et de leurs proches à chaque processus sont également nécessaires (entre autres par le renforcement de l’autogestion et l’amélioration des compétences en matière de santé grâce à des formations et à des dispositifs numériques), sans oublier le financement et le monitorage. L’ancrage de la prévention dans le domaine des soins ne doit cependant pas entraîner un élargissement coûteux de l’offre, mais plutôt, à moyen et à long termes, la maîtrise des coûts de la santé, car une collaboration intégrative et bien coordonnée au niveau des soins de base accroît l’efficience. Notons qu’aujourd’hui, en matière de prévention, les prestations qui s’adressent aux personnes à risque et aux malades ne bénéficient pas toutes d’un financement durable. Il s’agit de développer avec les acteurs concernés – pouvoirs publics, assureurs et employeurs – de nouveaux modèles de financement prévoyant des fonctions de conseil et de coordination non médicales.

Accorder une place centrale à l’être humain

La stratégie Santé2020, qui définit les priorités du Conseil fédéral en matière de politique de la santé pour les prochaines années, met l’accent sur les patients : « L’évolution des soins : à l’avenir, les soins devront être plus fortement conçus en fonction des patients et se concentrer sur leurs besoins. » La stratégie MNT en est une composante et, à ce titre, vise un système de santé qui prenne en compte l’évolution des besoins des patients au cours de la vie. Pour avoir le plus d’impact possible, elle est coordonnée avec la prévention des addictions (stratégie nationale Addictions 2017–2024) et celle des maladies psychiques. Pour ces deux problématiques, ce sont souvent les mêmes causes qui favorisent ou provoquent les MNT. De cette manière, les offres qui existent déjà pour ces groupes de population pourraient être davantage mises à la disposition des groupes à risque de MNT.

Améliorer sans augmenter les coûts de la santé

Mettre en oeuvre la stratégie MNT ne signifie pas réinventer la prévention. Mais dans les projets existants qui ont fait leurs preuves, il faudrait si possible mieux prendre en compte des facteurs de risque autres que ceux des MNT, tels que les problèmes liés aux addictions ou à la santé psychique. Dans le cadre de la stratégie MNT, cela signifie promouvoir davantage, améliorer et, le cas échéant, introduire dans toute la Suisse des projets et des programmes innovants qui montrent comment mieux intégrer la prévention dans le domaine des soins. Le modèle de paiement à l’acte pourrait aussi être remplacé par des incitations financières qui seraient destinées aux assureurs-maladie et qui, dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins, pousseraient les prestataires à investir dans la prévention. Ces derniers, de même que les agents payeurs, devraient développer des modèles de financement novateurs. A l’heure actuelle, les projets de prévention sont soutenus par Promotion Santé Suisse, le Fonds de prévention du tabagisme et la dîme de l’alcool.

Comment intégrer la prévention dans le domaine des soins

Mais, concrètement, comment intégrer la prévention et la promotion de la santé dans les soins ? En collaboration avec des acteurs de ce domaine, des prestataires, des organismes de formation et d’autres groupes spécialisés, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) élabore des modèles de parcours santé individuels. Ces parcours permettent de mettre les personnes en relation, au bon moment, avec les bons professionnels. Ils sont dérivés du modèle de prise en charge des maladies chroniques (CCM), classique ou élargi. Le modèle classique, employé dans le traitement de ces maladies, vise à associer plusieurs domaines, de manière efficiente et adaptée aux besoins des patients. Le modèle élargi quant à lui va un peu plus loin. Il relie plus systématiquement la prévention et la promotion de la santé au domaine des soins. Des équipes interprofessionnelles (comprenant en plus des acteurs extérieurs à la pratique clinique) y accompagnent les malades chroniques pour les aider à résoudre les problèmes qu’ils rencontrent dans leur quotidien et concernant, par exemple, l’alimentation, la socialisation ou la mobilité. Ce suivi rapproché permet d’améliorer durablement la santé des personnes concernées et de détecter plus rapidement la démence et les problèmes psychiques ; de plus, il amène automatiquement les intéressés à jouer un rôle actif dans le traitement, ce qui accroît leur capacité d’autogestion et leur responsabilité individuelle.

Encourager l’interprofessionnalité et l’autogestion

Mieux intégrer la prévention dans le domaine des soins implique de modifier les exigences relatives à la formation initiale, la formation continue et au perfectionnement au sein du système de santé. L’évolution va dans le sens d’un enseignement et d’un apprentissage axés sur des équipes interprofessionnelles (plusieurs groupes professionnels intervenant ensemble). L’OFSP a entamé un dialogue avec les responsables des formations aux différents métiers de la santé, afin de définir avec eux les contenus et les compétences clés à transmettre. La participation et les offres de formation appropriées amèneront les patients à modifier leur attitude face à la santé. L’association Réseau Evivo, par exemple, avec son cours « Devenir acteur de sa santé », s’adresse aux malades chroniques et à leurs proches, tandis que l’OFSP prévoit de mettre sur pied une plateforme de coordination destinée aux personnes intéressées par l’autogestion.

Utiliser l’eHealth, la mHealth et les données outcome

Le dossier électronique du patient constitue un élément central de la cybersanté (eHealth) censé faciliter la communication entre les prestataires de soins de base et ainsi la collaboration de tous les acteurs. Si les médecins, les hôpitaux et les pharmacies mettent les dossiers de leurs patients à disposition dans un système utilisé par tous, cela permet, lors d’un traitement ultérieur, d’y avoir accès plus rapidement et d’intégrer les résultats dans le plan de traitement. Précisons que les patients conservent le pouvoir de disposer de leurs données et des droits d’accès à leur dossier. D’autres platesformes de cybersanté sur des thèmes relevant de la prévention et en lien avec le dossier électronique du patient sont prévues (par ex. EviPrev, un programme qui n’existe pour l’instant que sur le papier et qui vise à encourager la promotion de la santé et la prévention dans les cabinets médicaux). Les outils de la santé mobile (mHealth), tels que les applications santé et les appareils de recueil numérique de données, sont très intéressants pour le traitement et le suivi des maladies chroniques. Ils facilitent notamment les interventions en urgence, par exemple, quand ils constatent et indiquent à distance une chute de la glycémie. Les données obtenues par les outils de la cybersanté et de la santé mobile peuvent servir à établir des profils de santé et à détecter plus rapidement les risques et les réduire. Les résultats (données outcome) des différents programmes et projets permettent de mieux connaître la population, de façon à poser les bases nécessaires au développement de nouvelles approches et de nouveaux modèles.

Se fonder sur l’expérience pour construire l’avenir

Concernant l’intégration des mesures de prévention dans le domaine des soins, les expériences effectuées jusqu’ici s’avèrent prometteuses. Les personnes atteintes d’une maladie chronique peuvent ainsi mieux gérer leur maladie et celles qui présentent un risque élevé deviennent capables de le réduire. Toutes ont également la possibilité de participer aux décisions relatives à leur traitement et de contribuer à éviter des complications. Elles devront être davantage suivies par des équipes interprofessionnelles, composées de médecins et d’autres professionnels de la santé. Le but est d’améliorer leur qualité de vie, de soulager le système de santé à moyen et à long termes, et de réduire sensiblement les coûts de la santé.

Contact

Alberto Marcacci
Responsable Section Prévention dans le domaine des soins
alberto.marcacci@bag.admin.ch

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